
C’est le cœur qui meurt en dernier, c’est…
Après la mort de sa mère, un fils tente de tracer le portrait d’une femme piégée par le destin. D’outre-tombe comme de son vivant, la mère insiste pour se peindre elle-même, telle qu’elle était, telle qu’elle entend se survivre, impitoyablement drapée dans sa légende d’héroïne entravée. « Fatale », l’avait surnommée le père. Et pour cause.
Un récit et non un roman…
Tout simplement parce qu’il s’agit de ma mère, du moins telle qu’elle fut avec moi, dans un rapport de tendresse et de bataille, que sa mort, d’ailleurs, n’a pas changé.
On découvre un aspect autobiographique…
L’émotion décide bien sûr de tout quand il s’agit d’un être qu’on a connu. La vérité n’existe pas : seule compte la passion du lien, sa force, sa beauté, sa complexité, dont il faut bien admettre qu’on ne vient jamais à bout. On a beau tenter de se tirer au clair, de sonder l’autre de part en part, on finit toujours par faire du proche capital un personnage intraduisible. Un personnage de roman.
La femme dont vous parlez est une femme exceptionnelle. Est-ce votre regard qui la rend ainsi ou est-ce sa vie, sa personnalité à elle ?
Pour moi, tout vivant est exceptionnel. Dans la mesure où chacun est, d’une façon ou d’une autre, piégé par son destin. La mère de mon récit est une femme née trop tard ou trop tôt et qui porte sur son époque un regard à la fois lucide, ironique, féroce, allégorique et impitoyable : le genre de point de vue sur la vie qui passe dans le sang, qui se transmet comme la couleur des yeux ou l’habitude de croire ou de ne pas croire à certaines vérités imposées. Exceptionnelle, oui, ma mère se croyait telle et avec raison, sans doute. L’affaire c’est que les autres, son fils y compris, la subissaient sans la comprendre – peut-être même sans la connaître.
Dans quelle mesure l’époque et le lieu ont influencé ce destin exceptionnel ?
Cette femme a vécu durant quatre-vingt-quatorze courtes – et longues – années. Elle en a vu, comme on dit, de toutes les couleurs : l’ère aride de la Grande Dépression, la guerre lointaine mais présente au jour le jour, les années de remontée, ces années soixante qui promettaient tant – mais pas pour elle, pour qui c’était trop tard – la grande désillusion qui s’ensuivit, etc. Il s’agissait avant tout pour moi de la mettre en scène, au jour le jour, dans son rapport avec un fils qui, comme tous les gars de sa génération, se croyait immortel et non coupable et comptait filer telle une comète flamboyante dans un futur qui n’attendait que lui. C’est à ce fils-dieu que la mère clame, d’outre-tombe, comme elle l’avait si souvent fait de son vivant : « Tout génie que tu te penses, demande-z-en pas trop ! Pis oublies pas : c’est le cœur, pas la tête, qui meurt en dernier ! »
C’est le cœur qui meurt en dernier est disponible en librairie et au format numérique.
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