Ying Chen
Le héros de votre roman n’est jamais nommé, mais on ne peut s’empêcher d’y voir la figure de Norman Bethune. Pourquoi celui-ci vous intéresse-t-il ?
Norman Bethune est une célébrité en Chine. Comme tous les enfants de ma génération, j’ai dû apprendre par cœur le texte que Mao lui a consacré. Et, comme la plupart des gens de ma génération, j’étais complètement indifférente à toute cette propagande. C’est en arrivant au Canada que j’ai découvert le silence autour de la figure de Bethune, à l’extrême opposé de ce que j’avais connu en Chine. Le cas de Bethune, mort au début de la guerre froide, dans un camp adverse, montre assez clairement comment la réalité est présentée dans les médias, selon l’époque ou les intérêts politico-économiques.
Vous semblez porter un jugement très sévère sur la Chine actuelle. Pourquoi ?
Je ne crois pas que mes opinions envers la Chine actuelle soient sévères. Je n’en suis pas capable, sentimentalement parlant. Et je n’en ai pas le droit, étant donné l’évolution extrêmement complexe de ce pays, évolution dont je ne connais pas tous les tenants et aboutissants. Je suis par contre en désaccord avec l’idée selon laquelle le monde entier devrait suivre un seul et même modèle de développement, soumis à une seule loi, celle du capital et du marché.
Ce roman, avec sa portée historique et politique, marque une rupture avec vos précédents titres. Cela reflète-t-il de nouvelles préoccupations chez vous ?
Il y a un changement de procédé, mais sans rupture par rapport à mon point de vue sur l’histoire, sur les événements du présent et du passé, sur la relativité des vérités. Le docteur Bethune, malgré l’adoucissement récent et assez pragmatique des opinions à son égard, reste aujourd’hui encore, et peut-être plus que jamais, une figure dissidente, donc actuelle. Et je trouve que notre époque si tumultueuse aurait grand besoin d’une telle dissidence.
Peut-il y avoir encore des figures héroïques dans le monde d’aujourd’hui? Est-ce souhaitable?
Ce sont les époques qui produisent, ou non, les figures héroïques, qu’on le souhaite ou non. Notre époque est dominée par des puissances invisibles.
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