Près de vingt ans après Les Aurores montréales, pourquoi avez-vous senti le besoin d’écrire un autre livre sur la métropole ?
Je n’en ai pas fini avec Montréal. Montréal est inépuisable. Montréal est un laboratoire passionnant. Tout continue d’y être représenté, toutes les tendances du monde, ses intolérances, ses levées de fanatisme, ses beautés. C’est une tour de Babel intime où se côtoient sans trop se heurter des communautés hassidiques, des soufis, des anarchistes révolutionnaires, des laïcs purs et durs, des rêveurs, des matérialistes, des artistes technologiques, des bien-pensants chromés, des immigrants pauvres, des immigrants riches, des fanatiques de hockey, des itinérants… Pas besoin de voyager pour chercher l’exotisme et les sujets : Montréal contient des millions d’œuvres potentielles, si on s’intéresse à la psyché humaine.
Votre roman est moderne et contemporain. Pourquoi, justement, dans un roman moderne et contemporain, avoir introduit des épisodes sur Jeanne Mance et les débuts de la colonie ?
Jeanne Mance est le déclencheur de ce livre. Je suis tombée amoureuse de Jeanne Mance il y a quelques années, lorsque je l’ai redécouverte, et lorsque j’ai redécouvert les débuts de Montréal. On ne sait plus – mais l’a-t-on jamais su ? – à quel point les commencements de Montréal sont uniques et vertigineux. Les débuts de Montréal sont marqués par une grandeur, un dépassement, une vision transcendante qui ont peu d’équivalents dans l’histoire des peuples. Du coup, j’ai voulu savoir ce qu’il restait de cette ferveur mystique et de cet absolu dans la société montréalaise contemporaine. Je suis allée à la rencontre de personnages passionnés, dévorés de l’intérieur, et d’histoires de dépassements ordinaires et extraordinaires. Ce roman, à vrai dire, suggère que ce n’est pas un hasard s’il y a autant de créateurs à Montréal, si la coupe Stanley est espérée ici comme un saint graal, si les communautés religieuses y prolifèrent, en dépit de notre irritation laïque. Le cœur de Jeanne Mance y bat toujours.
Pourrait-on avancer que Dieu est un des personnages secondaires de votre livre ?
On pourrait même avancer que Dieu en est le personnage principal. On pourrait même ajouter au titre du roman le sous-titre suivant : Dieu à Montréal. Mais il faut mettre en italiques ce mot dangereux, intempestif, source d’irritations et d’obscurantisme, ce concept que les religions et les fanatismes ont usurpé. Dieu, à vrai dire, n’a jamais été soumis aux religieux et aux religions, n’est ni terrifiant ni extravagant, ni à l’extérieur de nous. Le mot Dieu, ainsi débarrassé de son attirail de bonhomme Sept-Heures, est peut-être exactement le mot qu’on se languit depuis si longtemps d’entendre.
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Un extrait de Ce qu’il reste de moi sera disponible dès le 30 mars sur la page du livre.
En librairie le 21 avril 2015.
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