Le Portrait de la reine, c’est d’abord et avant tout…
L’histoire d’une rencontre. Une rencontre insolite, improbable, entre un artiste new-yorkais un peu fantasque et une veuve élégante à l’existence bien rangée. L’artiste s’est mis dans la tête que cette dame n’est nulle autre que la reine d’Angleterre, venue passer un week-end incognito à New York. La dame est d’abord incrédule et appréhensive, bien sûr, mais la curiosité finit par l’emporter, et, face à l’insistance de cet artiste quelque peu excentrique, elle décide de jouer le jeu.
On suit Rick, le personnage principal du roman, partout où il va…
Au départ, j’avais imaginé Rick beaucoup plus fou. Et puis, au moment de le coucher sur papier, il est devenu plus raisonnable. Comme beaucoup de personnages qui ont du mal à transiger avec la réalité, il s’avère en vérité beaucoup plus sage, beaucoup plus perspicace que ceux qui ont, soi-disant, toute leur tête. Cette « folie gentille », c’est aussi une manière d’éviter la caricature. Pour qu’il y ait du vrai dans un personnage, il faut qu’il y ait du vécu. Dans Rick, il y a donc beaucoup de moi-même, une imagination effrénée, la tentation de poursuivre les rêves dans leurs plus absurdes retranchements, un certain entêtement romantique aussi…
New York est le troisième personnage du roman…
New York, c’est un peu le trait d’union qui rapproche Rick et la dame. D’abord parce qu’ils découvrent la ville ensemble. Une ville qui se révèle à eux non dans sa splendeur de verre et de béton, mais dans ses squares cachés, ses quartiers anciens, peu fréquentés par les touristes. La ville, c’est donc un peu le langage qui leur permet de s’apprivoiser l’un l’autre. Et pour eux qui vivent de jeux et d’illusions, New York, c’est aussi la réalité, la seule terre ferme dans leur monde de nuages.
Au lecteur de jouer avec les personnages…
En effet, le lecteur découvre les personnages au fur et à mesure qu’ils se dévoilent eux-mêmes l’un à l’autre. En ce sens, le dialogue joue un rôle très important. En se confiant à l’autre, chacun des personnages entrevoit une nouvelle part de lui-même. Peu à peu, les masques tombent pour révéler ce qui, en eux, est le plus digne d’être aimé. Autrement dit, c’est par le langage – avec toutes ses allusions, ses clins d’œil et ses non-dits – que passe la séduction.
Une narration au présent qui donne quelque chose d’instantané…
En effet. Le présent donne un caractère à la fois immédiat et indéfini au récit. C’est une manière d’introduire le possible dans la narration. Dans un roman au passé, tout est dit. L’incident est clos. Le présent, c’est le temps où se crée le temps. Les aléas de l’instant sont encore tangibles. Rick et la dame se promènent dans Central Park, mais à tout moment, ils peuvent encore changer d’avis, rebrousser chemin et prendre le métro en direction du zoo du Bronx. Le présent introduit l’illusion de l’incertitude et laisse le lecteur plus libre, je crois, d’imaginer son propre roman.
Il y a une légèreté dans ce roman qu’on ne retrouve pas dans les deux autres…
Les histoires tragiques me viennent plus naturellement. Mais cette fois-ci, je me suis laissé guider par les personnages, par l’imagination et les obsessions de Rick, surtout. Et je dois avouer que j’ai trouvé ça plus difficile. D’abord, parce que dans un récit sombre, comme ceux que j’ai écrits auparavant, il est plus facile pour le narrateur de « tirer toutes les ficelles ». On sait que tout s’achèvera dans la mort, il suffit alors de retracer les étapes qui mèneront, inéluctablement, le personnage à sa fin. Mais la mort du personnage, c’est parfois un raccourci. C’est une manière d’englober la vie d’un être, de lui donner un caractère d’achèvement et de perfection sans nécessairement chercher à le saisir dans ses plus intimes ressorts. En résistant à la tentation de tuer Rick et la dame à la fin du roman, j’ai été forcé de pénétrer plus profondément dans leur univers et de donner aux lecteurs le pouvoir de s’immiscer dans leur vie, l’enrichissant de leur propre regard, de leur propre sensibilité.
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