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entretien

14 octobre 2016

Entretien avec GUILLAUME MORISSETTE

Par Éditions du Boréal

nouvel onglet_wVous inscrivez très clairement votre roman dans la réalité montréalaise. En quoi celle-ci vous semble-t-elle si particulière ?

Nouveau onglet est un roman semi-autobiographique. Mon objectif était d’utiliser certaines expériences personnelles pour donner au texte le pouvoir du réel, mais sans nécessairement basculer dans l’autobiographie pure. Au moment d’écrire Nouvel onglet, je regardais autour de moi et je n’arrivais pas vraiment à trouver un roman qui présentait le Montréal que je connaissais. Au départ, je voulais écrire un roman moderne qui pourrait faire le pont entre les romans montréalais d’auteurs comme Mordecai Richler, Heather O’Neill ou Nelly Arcan, et les romans d’auteurs comme Sheila Heti ou Ben Lerner. Je voulais aussi parler de la communauté anglophone de Montréal de façon réaliste ainsi que de l’omniprésence des plateformes comme Facebook, Twitter, etc., dans nos échanges et nos relations.
Pour un artiste, Montréal possède beaucoup d’avantages. Le coût de la vie est raisonnable, surtout lorsqu’on compare Montréal à Vancouver ou Toronto, ce n’est pas très loin de New York, et le cachet multiculturel de la ville lui donne une personnalité complètement unique. J’aime beaucoup Montréal, et je pense que c’est parce que Montréal, plus que n’importe quelle autre ville, me permet de me comprendre. À Montréal, je peux avoir une identité fluide, pas entièrement francophone et pas entièrement anglophone.

Croyez-vous que vous auriez pu écrire le même roman en français ?

Non. Je fonctionne surtout en anglais ces jours-ci, ce qui fait que je me sens souvent un peu loin de ma langue natale. Je peux évidemment encore écrire et parler en français, mais puisque j’ai investi beaucoup d’heures à apprendre comment manier l’anglais, ma façon d’écrire en français me donne souvent l’impression d’être robotique ou moins inspirée. Je ne crois pas que j’aurais été en mesure d’écrire en français Nouvel onglet, ou n’importe quel autre roman, sans faire un effort pour me rapprocher de ma langue natale. Si je voulais écrire un roman en français, je pense que ma stratégie serait d’aller vivre dans un milieu entièrement francophone (plutôt que le Mile End, où j’habite actuellement, qui est pas mal anglophone), de lire uniquement des romans en français, d’écrire en français tous les jours et d’inonder mon cerveau de français jusqu’à temps que je me sente capable d’écrire un roman semi-potable dans ma langue natale.

Croyez-vous que les lecteurs auront de l’empathie pour vos personnages?

Certains lecteurs vont avoir de l’empathie et d’autres peut-être pas du tout, ce qui ne me dérange pas vraiment. En tant qu’auteur, j’accepte qu’un lecteur amène ses propres idées, ses préjugés, ses expériences, ses opinions, etc., et j’assume aussi toutes les conséquences, positives ou négatives, d’avoir écrit et publié un roman comme Nouveau onglet. Si un lecteur lit mon roman et n’arrive pas à comprendre mes personnages ou à s’intéresser à eux et qu’il m’envoie un courriel pour me crier après, je n’ai aucun problème avec ça. En fait, je risque plutôt de m’intéresser au point de vue de cette personne, qui est probablement différent du mien.

Quel rôle la littérature joue, peut ou doit jouer dans notre société?

L’écriture est ce qui se rapproche le plus de la pensée, et les livres, particulièrement le roman, sont encore l’endroit où on peut trouver les comptes rendus les plus complets, les plus vrais et les plus détaillés de ce que c’est qu’être humain. Si on compare à peu près n’importe quel roman à un film comme Batman v Superman, on constate que le film et le livre ne cherchent pas vraiment à accomplir la même chose. Ce que le film veut, en gros, c’est prendre ton argent, et en échange il promet de te montrer Ben Affleck faisant des grimaces dans un suit de plastique pendant deux heures. La plupart des écrivains ne s’attendent pas à vendre des millions d’exemplaires de leurs livres, donc ils sont motivés par autre chose que prendre ton argent. L’objectif d’un écrivain, en général, c’est de communiquer de façon indirecte avec le lecteur.

Plutôt que de voir les livres d’un point de vue social, je préfère les voir d’un point de vue individuel. Lire, pour moi, c’est un choix personnel. Je lis pour apprendre, je lis pour trouver des solutions à mes problèmes, je lis pour avoir plus empathie, je lis pour être une personne plus intéressante.

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