Vous inscrivez très clairement votre roman dans la réalité montréalaise. En quoi celle-ci vous semble-t-elle si particulière ?
Nouveau onglet est un roman semi-autobiographique. Mon objectif était d’utiliser certaines expériences personnelles pour donner au texte le pouvoir du réel, mais sans nécessairement basculer dans l’autobiographie pure. Au moment d’écrire Nouvel onglet, je regardais autour de moi et je n’arrivais pas vraiment à trouver un roman qui présentait le Montréal que je connaissais. Au départ, je voulais écrire un roman moderne qui pourrait faire le pont entre les romans montréalais d’auteurs comme Mordecai Richler, Heather O’Neill ou Nelly Arcan, et les romans d’auteurs comme Sheila Heti ou Ben Lerner. Je voulais aussi parler de la communauté anglophone de Montréal de façon réaliste ainsi que de l’omniprésence des plateformes comme Facebook, Twitter, etc., dans nos échanges et nos relations.
Pour un artiste, Montréal possède beaucoup d’avantages. Le coût de la vie est raisonnable, surtout lorsqu’on compare Montréal à Vancouver ou Toronto, ce n’est pas très loin de New York, et le cachet multiculturel de la ville lui donne une personnalité complètement unique. J’aime beaucoup Montréal, et je pense que c’est parce que Montréal, plus que n’importe quelle autre ville, me permet de me comprendre. À Montréal, je peux avoir une identité fluide, pas entièrement francophone et pas entièrement anglophone.
Croyez-vous que vous auriez pu écrire le même roman en français ?
Non. Je fonctionne surtout en anglais ces jours-ci, ce qui fait que je me sens souvent un peu loin de ma langue natale. Je peux évidemment encore écrire et parler en français, mais puisque j’ai investi beaucoup d’heures à apprendre comment manier l’anglais, ma façon d’écrire en français me donne souvent l’impression d’être robotique ou moins inspirée. Je ne crois pas que j’aurais été en mesure d’écrire en français Nouvel onglet, ou n’importe quel autre roman, sans faire un effort pour me rapprocher de ma langue natale. Si je voulais écrire un roman en français, je pense que ma stratégie serait d’aller vivre dans un milieu entièrement francophone (plutôt que le Mile End, où j’habite actuellement, qui est pas mal anglophone), de lire uniquement des romans en français, d’écrire en français tous les jours et d’inonder mon cerveau de français jusqu’à temps que je me sente capable d’écrire un roman semi-potable dans ma langue natale.
Croyez-vous que les lecteurs auront de l’empathie pour vos personnages?
Certains lecteurs vont avoir de l’empathie et d’autres peut-être pas du tout, ce qui ne me dérange pas vraiment. En tant qu’auteur, j’accepte qu’un lecteur amène ses propres idées, ses préjugés, ses expériences, ses opinions, etc., et j’assume aussi toutes les conséquences, positives ou négatives, d’avoir écrit et publié un roman comme Nouveau onglet. Si un lecteur lit mon roman et n’arrive pas à comprendre mes personnages ou à s’intéresser à eux et qu’il m’envoie un courriel pour me crier après, je n’ai aucun problème avec ça. En fait, je risque plutôt de m’intéresser au point de vue de cette personne, qui est probablement différent du mien.
Quel rôle la littérature joue, peut ou doit jouer dans notre société?
L’écriture est ce qui se rapproche le plus de la pensée, et les livres, particulièrement le roman, sont encore l’endroit où on peut trouver les comptes rendus les plus complets, les plus vrais et les plus détaillés de ce que c’est qu’être humain. Si on compare à peu près n’importe quel roman à un film comme Batman v Superman, on constate que le film et le livre ne cherchent pas vraiment à accomplir la même chose. Ce que le film veut, en gros, c’est prendre ton argent, et en échange il promet de te montrer Ben Affleck faisant des grimaces dans un suit de plastique pendant deux heures. La plupart des écrivains ne s’attendent pas à vendre des millions d’exemplaires de leurs livres, donc ils sont motivés par autre chose que prendre ton argent. L’objectif d’un écrivain, en général, c’est de communiquer de façon indirecte avec le lecteur.
Plutôt que de voir les livres d’un point de vue social, je préfère les voir d’un point de vue individuel. Lire, pour moi, c’est un choix personnel. Je lis pour apprendre, je lis pour trouver des solutions à mes problèmes, je lis pour avoir plus empathie, je lis pour être une personne plus intéressante.
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Le livre de Normand Mousseau paraît cette semaine en France, aux éditions Thierry Souccar, sous le titre, Comment j’ai vaincu le diabète sans médicament. L’auteur sera d’ailleurs à Paris pour y donner quelques entrevues.
Rappelons que cet ouvrage (Comment se débarasser du diabète de type 2 sans chirurgie ni médicament) connaît un très vif succès depuis sa parution au printemps.
Les prix annuels de l’Académie des lettres du Québec ont été décernés hier lors d’une soirée à l’Édifice Gaston Miron, à Montréal.
Isabelle Daunais est la lauréate du prix Victor-Barbeau pour son essai Le roman sans aventure. Le prix Victor-Barbeau est décerné chaque année à un auteur pour un essai qui est jugé de très grande qualité par un jury formé de trois membres de l’Académie.
UN BARBARE EN CHINE NOUVELLE
Alexandre Trudeau
Vous avez tourné un documentaire sur la Chine. Vous donnez maintenant un livre. Qu’est-ce que le livre peut dire ou montrer que le documentaire ne peut pas?
Dans le livre je propose une approche quasi documentaire et j’invite le lecteur à m’accompagner dans un long périple à travers la Chine. Un véritable documentaire passe très vite dans le temps. Il ne permet qu’un survol très rapide du sujet. Un livre peut arrêter le temps. Il permet d’ouvrir des brèches dans le récit par lesquelles il nous est possible de pénétrer très, très loin dans un sujet. Dans Un barbare en Chine nouvelle, je pense profiter pleinement de cette liberté littéraire face à l’espace et au temps.
Alors que la Chine nous semble traverser une transformation radicale, vous insistez surtout sur la continuité de sa culture et de sa civilisation. Pourquoi?
Une transformation radicale n’a pas vraiment de sens si nous ne considérons pas l’immensité et l’ancienneté de la culture qui est appelée à se transformer. De plus, je crois davantage à la sédimentation des idées qu’à leur disparition totale. Les ruptures absolues sont très, très rares.
Qu’avons-nous à apprendre de la « Chine nouvelle »?
La Chine nouvelle nous amène à une profonde réflexion sur la question de la liberté. À vrai dire, c’est en comparant notre histoire avec celle de la Chine que nous arriverons à bien cerner l’évolution de la liberté individuelle dans le monde occidental. En comparant la situation en Chine avec celle qui a régné dans le bassin Méditerranéen, par exemple, nous arrivons à mieux percevoir quels éléments géographiques, démographiques et politiques ont rendu cette liberté possible en Occident et non en Chine. Or, la Chine vit actuellement une période de libération socioéconomique intense. Elle continue à se libérer de son passé très contraignant. Parallèlement, je pense qu’il faut remettre en question la liberté individuelle à l’occidentale, aussi chère qu’elle puisse paraître à nos yeux. Elle fait trop abstraction des réalités environnementales et a été édifiée sur le dos de peuples qu’on a subjugués pas la politique ou par les armes. La trajectoire de la Chine nouvelle marque donc certainement un progrès. Mais comme, en Chine, on part de loin, il est possible qu’on y voie s’épanouir une forme de liberté plus équilibrée et mieux adaptée aux nouvelles réalités planétaires comme la diminution des ressources et la surpopulation.
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À quelques jours de la Foire de Francfort, découvrez dans le catalogue de droits quelques-uns des titres que le Boréal s’apprête à faire voyager.
Tristan Malavoy, auteur du roman Le Nid de pierres, et Dominique Lebel, auteur de Dans l’intimité du pouvoir, seront présents au Salon du livre de l’Estrie, qui aura lieu cette année du 13 au 16 octobre.
En plus de participer à plusieurs activités, l’auteur sera présent pour des séances de signature au stand de Dimédia.
Horaire des séances de signature:
Tristan Malavoy
Samedi 15 octobre, de 14h à 15h et de 18h45 à 19h45
Dimanche 16 octobre, de 15h30 à 16h30
Dominique Lebel
Dimanche 16 octobre, de 10h à 11h
Pour obtenir plus d’informations, consulter le site du salon.
Ying Chen
Le héros de votre roman n’est jamais nommé, mais on ne peut s’empêcher d’y voir la figure de Norman Bethune. Pourquoi celui-ci vous intéresse-t-il ?
Norman Bethune est une célébrité en Chine. Comme tous les enfants de ma génération, j’ai dû apprendre par cœur le texte que Mao lui a consacré. Et, comme la plupart des gens de ma génération, j’étais complètement indifférente à toute cette propagande. C’est en arrivant au Canada que j’ai découvert le silence autour de la figure de Bethune, à l’extrême opposé de ce que j’avais connu en Chine. Le cas de Bethune, mort au début de la guerre froide, dans un camp adverse, montre assez clairement comment la réalité est présentée dans les médias, selon l’époque ou les intérêts politico-économiques.
Vous semblez porter un jugement très sévère sur la Chine actuelle. Pourquoi ?
Je ne crois pas que mes opinions envers la Chine actuelle soient sévères. Je n’en suis pas capable, sentimentalement parlant. Et je n’en ai pas le droit, étant donné l’évolution extrêmement complexe de ce pays, évolution dont je ne connais pas tous les tenants et aboutissants. Je suis par contre en désaccord avec l’idée selon laquelle le monde entier devrait suivre un seul et même modèle de développement, soumis à une seule loi, celle du capital et du marché.
Ce roman, avec sa portée historique et politique, marque une rupture avec vos précédents titres. Cela reflète-t-il de nouvelles préoccupations chez vous ?
Il y a un changement de procédé, mais sans rupture par rapport à mon point de vue sur l’histoire, sur les événements du présent et du passé, sur la relativité des vérités. Le docteur Bethune, malgré l’adoucissement récent et assez pragmatique des opinions à son égard, reste aujourd’hui encore, et peut-être plus que jamais, une figure dissidente, donc actuelle. Et je trouve que notre époque si tumultueuse aurait grand besoin d’une telle dissidence.
Peut-il y avoir encore des figures héroïques dans le monde d’aujourd’hui? Est-ce souhaitable?
Ce sont les époques qui produisent, ou non, les figures héroïques, qu’on le souhaite ou non. Notre époque est dominée par des puissances invisibles.
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Daniel Raunet
MONIQUE BÉGIN. ENTRETIENS
Que diriez-vous à ces jeunes femmes engagées aujourd’hui en politique qui tiennent à préciser qu’elles ne sont pas féministes?
Je leur demanderais si les femmes, que ce soit chez nous ou ailleurs, jouissent de droits égaux à tous égards. Elles me répondraient : « Non! » Et je rétorquerais : « Vous êtes donc féministes! » Je pousserais en disant : « Mais pourquoi, à travail de valeur égale, les salaires des femmes sont-ils inférieurs de 30% à ceux des hommes au Canada aujourd’hui? Et de 32 à 34% en ce qui concerne les professeures de nos universités? Et ainsi de suite! »
En vous lisant, on a l’impression que, à l’époque où vous étiez en politique, il était possible – au prix de grands efforts, certes – de faire changer les choses rapidement et de manière importante. Aujourd’hui, le monde politique donne l’impression d’un certain immobilisme. Qu’est-ce qui a changé? la politique? ceux qui la font?
Non, quand j’étais en politique, comme aujourd’hui, le problème, ce n’était pas l’immobilisme, c’était, c’est le « gradualisme ». Nous gouvernons par des « approches à petits pas ». Tout ce que j’ai réussi à faire, je l’ai fait sur plusieurs années : la Loi canadienne sur la santé, la bonification des pensions, la dévolution des services de santé aux Premières Nations et tout le reste. D’où ma diatribe, désormais célèbre, il y a dix ans : le Canada est le pays des projets pilotes! Les politiciens n’agiront jamais s’ils ne sont pas sûrs qu’il y ait une demande réelle; que l’inaction puisse leur faire mal; et que la pression ne les lâchera pas. Malheureusement, ils n’entendent pas, ou mal, les demandes de la population. Par opposition, mon crédit d’impôt enfant (les prestations aux enfants et aux familles) fut un coup militaire réussi dans des circonstances exceptionnelles. De même, Justin Trudeau a su saisir au vol les besoins des classes moyennes et il y a répondu dans son premier budget, profitant de l’engouement exceptionnel de son élection en 2015.
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Les Éditions du Boréal ont deux titres présélectionnés cette année pour le Festival du premier roman de Chambéry : Le Nid de pierres, de Tristan Malavoy, et Rénovation, de Renaud Jean.
Rappelons que ce festival, qui se tient au mois de mai à Chambéry, en France, invite chaque année dix primo-romanciers de la Francophonie. Le choix des œuvres se fait par l’entremise d’un réseau de 3 200 lecteurs membres de clubs de lecture répartis en France et à l’étranger. Un événement fort apprécié des écrivains dont la devise est « On a lu, on a aimé, c’est à vous ! ».
Au cours des dernières années, Lori Saint-Martin (Les Portes closes) et Claudine Bourbonnais (Métis Beach) ont été invitées.
Ma folie à moi, c’est la recherche du temps perdu. L’effort tendu pour rattraper des bouts d’existences éparpillées dans l’infini de l’oubli me prend toute mon énergie. Je cherche, recherche, lis et relis des passages de vieux livres et des bribes de textes anciens, je regarde des photographies prises il y a cent ans, mon regard s’éternise sur des instants arrêtés, pris sur le vif par un appareil doté du pouvoir d’emprisonner en une seule image tous les détails, toutes les subtilités d’un moment fuyant. Et ce moment est rendu si loin dans l’espace-temps que la photo devient un rayonnement qui semble provenir d’un point distant de plus de cent années-lumière, un retour magique dans le passé.
Il suffit d’un mot, d’un nom de lieu ou de famille, pour me plonger dans des états inavouables de plaisir et de curiosité. Il suffit que j’aperçoive un arbre pour lui envier sa majesté. Je vois une grange, je me mets dans la peau de cette grange, je deviens bois de grange, sec et gris, je suis le mur de la grange, je revis ses longues soirées d’automne, les nuits glaciales, les canicules, les orages, les amoureux qui viennent s’embrasser à l’abri des regards; je connais des fourmis et des framboisiers sauvages, des chars scrapés, oubliés dans la broussaille, un vieux tracteur rouillé, des nuages, beaucoup de nuages, des trains de vent, des bancs de neige. Ce derrière de grange est le lieu fascinant de tous les amours naissants, le mur fragile au pied duquel on a pris la main de l’autre, l’endroit où on s’est parfois réfugié, pour pleurer, pour fumer, pour rêver, l’endroit où peut-être on s’est caché, pour rien.
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